Le choix d’entreprendre, une voie d’éveil ?
Ceci est autant l'histoire d'une réflexion matinale qu'un regard rétrospectif sur mon expérience entrepreneuriale.
La fin d’année approche à grands pas. Décembre est un mois naturellement propice à l’introspection, à cette fameuse rétrospective annuelle. Alors, je laisse mes pensées vagabonder à travers les douze mois écoulés. Que reste-t-il ? Où suis-je arrivée après quatre années d’idées et d’expériences entrepreneuriales ?
Apprendre à habiter ma vie
Ce matin, je savourais un petit-déjeuner confortablement installée dans mon lit, un plateau posé en équilibre sur mes genoux. La chaleur douce d’un mug artisanal entre mes mains, le goût subtil du café mêlé au lait d’avoine, et la texture feuilletée d’un croissant soigneusement choisi chez mon boulanger favori... et me voilà en train de réfléchir à l’ordre étrange des choses1.
Perdue dans mes pensées, je méditais sur le chemin parcouru depuis quatre ans. Un chemin qui, lui-même, s’inscrit dans un cycle plus large : onze années de choix de vie. Sur une échelle de vingt-neuf ans d’existence, cela représente près du tiers de ma vie. Qu’ai-je fait de ce temps ?
Aujourd’hui, je ressens un mélange de nostalgie et de soulagement. Une étrange symphonie sentimentale qui révèle, peut-être, la somme de mes efforts ?
“Et si ce bonheur intense et profond, ultime récompense, venait tout simplement de ce qu’on oublie sur le moment, c’est-à-dire tous les efforts et la préparation qui ont été nécessaires pour parvenir jusqu’ici ?”
– Carine Vial, dans “Vous êtes montés à pied !?2”.
Ces quatre années d’entrepreneuriat m’ont surtout appris à “habiter ma vie”. Il y a une profondeur philosophique dans cette expression, qui rappelle l’importance d’apprendre à vivre en conscience pour habiter son existence comme on habiterait un espace sacré, en cultivant la présence, l’action et le sens.
Entreprendre : le choix du désir
C’est en décembre 2020 qu’une idée a donné naissance à mon élan entrepreneurial. J’étais salariée dans une entreprise vacillante : je me laissais trois mois pour réfléchir et trois de plus pour démissionner... Fin février 2021, je la quittais.
Pendant ce temps, je parlais naïvement de mon idée, sans vraiment savoir ce que j’étais en train d’initier. J’étais animée par le désir naïf de rendre accessible l’expertise de la santé mentale à tous grâce aux nouvelles technologies.
Les débuts furent exaltants, portés par la découverte et l’énergie d’un projet naissant et innovant. L’effet boule de neige, vous connaissez ? C’est ce que j’ai vécu la première année.
Choisir de ralentir pour mieux me préparer
Puis, j’ai eu peur. Vraiment très peur : qu’étais-je en train de faire ? Ma vision me semblait juste mais les moyens d’y parvenir me faisaient douter. J’ai d’abord douté de ce que j’avais imaginé : était-ce éthique ? était-ce utile ? Puis, j’ai douté de moi : étais-je capable ? était-ce moi ?
Ces questions ont marqué le début d’une lente introspection et mon retrait progressif de la scène entrepreneuriale pour découvrir l’entrepreneure que je suis. Je ne me suis jamais arrêtée, mais j’ai opté pour une posture plus discrète. J’ai œuvré en sourdine, avec davantage d’analyse, de conception et de réflexion.
À ce moment là, j’avais besoin de travailler mon éthique personnelle, de comprendre ce qui m’animait réellement et de me préparer à le réaliser avec justesse.
L’entrepreneuriat, une école de la connaissance de soi
J’ai vécu ces quatre années avec beaucoup de philosophie. Entreprendre, c’est choisir une carrière tout autant qu’une voie d’éveil. Une voie où l’on mobilise corps, cœur et esprit. Une voie où chaque décision a un impact, où l’on devient responsable du sens que l’on donne à sa vie.
Cette voie m’a permis de mieux me connaître, de découvrir mes forces et mes limites, de mettre en lumière mes aspirations profondes. J’ai appris à habiter pleinement ma vie, en résonance avec mes valeurs et mes envies. Mais je reconnais que l’entrepreneuriat n’est qu’une des nombreuses voies possibles pour s’éveiller et s’exprimer, selon ses propres rythmes et inclinations personnelles.
Entreprendre, c’est choisir une carrière tout autant qu’une voie d’éveil. Une voie où l’on mobilise corps, cœur et esprit. Une voie où chaque décision a un impact, où l’on devient responsable du sens que l’on donne à sa vie.
En arrière plan, ma peur de ne pas avoir assez vécu
Il y a quelques années, avant même d’entreprendre, j’avais formulé ma “peur de ne pas avoir assez vécu”. J’avais pris conscience de la finitude de la vie, et cette lucidité est devenue un moteur puissant : je sais que je mourrai un jour, et je ne veux pas me retourner avec le regret de ne pas avoir profité de mon existence.
Cette peur façonne mon état d’esprit. J’ai compris qu’au seuil de ma vie, je serai la seule juge de ce que j’aurai accompli. La question ne sera pas : ai-je réussi aux yeux des autres ? Mais bien : ai-je réussi à vivre ma vie pleinement ? Ai-je honoré mon passage ?
Et c’est peut-être pour cela que je choisis, encore et encore, la voie de l’entrepreneuriat. Une voie que je façonne avec mon propre style, car c’est un espace d’engagement, de création, de transformation et d’expression personnelle.
Avoir l’audace de l’expression !
À mes yeux, entreprendre, c’est avoir l’audace de s’exprimer. Et plus on se connaît, plus cette expression devient juste, alignée et bénéfique, à la fois pour soi et pour le monde.
Alors, chers lecteurs et chères lectrices : laissez vos désirs faire éclore la vie qui frémit en vous. Exprimez vous. Soyez présents, soyez entreprenants, soyez vivants !
C’est aussi le titre d’un livre d’António Damásio, éminent neuroscientifique et philosophe contemporain. Dans cet essai, Damásio dresse une théorie inédite qui relie les origines de la vie, l’émergence de l’esprit et la construction de la culture. Un savant mélange entre sciences de la vie et sciences humaines.
Recueil de textes de huit grimpeurs passionnés par l’alpinisme et la montagne, sur une idée originale de Thomas Huguerre. Les recettes du livre son au profit exclusif de l’association À chacun don Éverest !